Le 31 décembre dernier, mon flacon de parfum s’est brisé sur le sol de la salle de bains d’un hôtel de zone industrielle où nous avions passé une nuit agitée par des rêves bizarres. À un jet de pierres, mon père dormait dans une chambre blanche, aseptisée.
J’ai regardé le liquide doré se répandre et mes orteils nus se recroqueviller sous l’assaut des centaines d’éclat de verre qui illuminaient le sol en lino. L’odeur, emportée par les vapeurs de la douche, tournoyait dans la pièce et m’enivrait. Le temps a ralenti quelques instants, comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton pause.
Alerté par le bruit ou, plus exactement, par l’absence de bruit après le fracas, ChériChéri a accouru. Il m’a extirpé de la salle de bains et s’est chargé de ramasser les morceaux pendant que je m’habillais silencieusement en regardant par la fenêtre les longues files de voitures qui avançaient vers l’hôpital. J’ai posé mon front contre la vitre froide. La trace de ma respiration s’est tatouée sur le verre.
Mon père prétendait que ce parfum lui rappelait quelque chose de son enfance. Elle prenait fin dans une chambre d’hôtel bon marché.
Depuis ? La bouteille qui me servait à recharger mon flacon trône à demi remplie sur l’étagère de la salle de bains sans que je ne l’ai à nouveau porté. À vrai dire, je n’ai même pas ouvert la bouteille pour sentir l’odeur. À vrai dire, personne ne m’a dit « tiens, tu as changé de parfum? » Le matin, quand j’empoigne le flacon ouvragé qui contient la fragrance de rose qui m’accompagne maintenant, je me demande combien de temps je vais repousser le moment où je vais attraper le bidon de fleur d’oranger pour la vaporiser au creux de mon cou. Jamais peut-être.
Cette nuit j’ai rêvé du parfum. Je l’ai senti. Réellement. Il s’est immiscé dans mes narines et a fait son chemin jusqu’à ma mémoire. J’en ai profité, à demi consciente, presque étonnée : je n’avais jamais rêvé d’une odeur de façon aussi précise. J’ai ouvert les yeux pour vérifier que personne n’avait utilisé la bouteille, qu’aucun fantôme ne squattait le pied de mon lit, qu’aucun troll ne se jouait de moi, mais seule la lune se frayait un chemin jusqu’à la couette.
Je me suis rendormie. C’était la première fois que mes nuits avaient le parfum de mes anciens jours.
Pic by Chuttersnap on Unsplash
Tendres pensées je pense fort fort à toi !C’est long difficile de perdre un parent.
Quand il est parti, j’avais 16 ans et la vie devant moi. C’était injuste et tellement triste. Mais tu vois aujourd’hui je me dis que c’était une chance,Je n’aurai pas à le vivre maintenant. Mais tes écrits réveillent tant de choses.❤❤
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Que ce texte est beau !
Je me demande si l’odorat n’est pas le sens qui ancre le mieux les souvenirs, sans déformer l’odeur repère, alors qu’on sait bien que la vue par exemple déforme les proportions voire les couleurs de notre mémoire.
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Superbe. Je t’embrasse
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Je me rends compte que mon commentaire est un peu sec, ce n’est pas le manque de temps ou d’intérêt, c’est juste l’émotion qui m’a coupée le souffle.
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Un parfum, ce voile invisible qui nous lie à jamais à un être aimé, qui vous fait revivre une vie d’Amour en fermant les yeux au dessus du flacon, en s’enveloppant de ce voile comme avant blottie contre Lui.
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Le parfum de ma maman adorée …. je l’ai senti un jour, très nettement. J’ai tourné la tête pour voir si elle était là …. c’était le jour de son anniversaire
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💕💕
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